L’Observatoire de l’Espace du CNES publie La base spatiale d’Hammaguir, une traversée culturelle dans les archives de l’aventure spatiale française. Un ouvrage de Michel Beretti, Jérôme Lamy et Élise Parré, sous la direction de Gérard Azoulay
La base spatiale d’Hammaguir
La base spatiale d’Hammaguir mêle textes, archives et photographies issus de collections privées et publiques, et réunit les contributions d’un écrivain, Michel Beretti, d’un sociologue des sciences, Jérôme Lamy, et d’une artiste, Élise Parré, tous trois membres du Groupe de Recherches Artistiques et Culturelles sur l’Espace (GRACE) institué par l’Observatoire de l’Espace, le laboratoire culturel du CNES*.
Ce beau livre est le premier opus d’une trilogie conçue comme une traversée culturelle dans les archives de l’aventure spatiale française. Pour Gérard Azoulay, qui a dirigé l’ouvrage, « le lecteur est convié à un étonnant voyage, scandé par des aperçus sur les béances de l’histoire, les questions coloniales et le rôle des institutions.
Sa lecture dissipe, sans conteste, les brumes romantiques qui entourent les origines de l’épopée spatiale française. »
À la recherche de paysages disparus
Avec, en toile de fond, les accords d’Évian, l’indépendance de l’Algérie et l’emploi des techniciens et ingénieurs du IIIe Reich dans un laboratoire français au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le lecteur suit les trois auteurs dans la découverte de paysages disparus, reconstruits avec opiniâtreté à travers la collecte d’images, de documents et de témoignages.
Ils arpentent ainsi Hammaguir, la première base spatiale française dans le Sahara, le laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) où étaient conçues les fusées françaises, à Vernon, en Normandie, et le Service d’aéronomie du CNRS, en région parisienne, où la science spatiale a vu le jour, en France.
D’étape en étape, l’exploration de ces infrastructures spatiales dévoile les relations sociologiques, scientifiques et économiques qui unissent ces lieux.
* Le CNES est l'établissement public chargé d’élaborer, de proposer et de mettre en œuvre la politique spatiale française.
Un regard contemporain et pluridisciplinaire
Au fil de l’ouvrage, des séquences visuelles regroupent des photographies et pièces d’archives inédites, issues de fonds privés et de collections publiques, dont le nombre et la variété contribuent à faire surgir une époque et ses acteurs. Publiés en regard, ces documents et les contributions des trois auteurs tressent alors de multiples récits qui offrent au lecteur un panorama des premières années de la France spatiale, de 1947 à 1967.
Tantôt Michel Beretti et Jérôme Lamy méditent, l’un avec les outils de la littérature, l’autre avec ceux de la sociologie, aux diverses significations d’un livret d’accueil confié au personnel de la base d’Hammaguir, dont la localisation devait rester secrète ; tantôt Élise Parré s’interroge, à travers dessins et collages, sur le quotidien des enfants des ingénieurs allemands recrutés après la Seconde Guerre mondiale pour élaborer les fusées françaises, en pleine forêt normande.
À la beauté formelle et à l’intérêt historique des archives répond ainsi l’acuité d’un regard contemporain et pluridisciplinaire dépouillé de la nostalgie qui caractérise souvent le récit de l’aventure spatiale.
Michel Beretti
Michel Beretti (à droite sur la photo), philosophe et linguiste de formation, écrivain de théâtre.
Il est aujourd’hui l’auteur de nombreux textes, pièces, adaptations, traductions et livrets d’opéra. Ses pièces sont souvent précédées d’enquêtes d’immersion sur le terrain ou dans les archives ; parfois encore, elles suscitent et intègrent les contributions d’une collectivité.
Il collabore régulièrement à des projets avec des acteurs culturels d’Afrique de l’Ouest, notamment du Mali, où il vit une partie du temps. Il vient d’achever, en résidence à la villa Ndar, Institut français de Saint-Louis, au Sénégal, l’écriture de Karatabougou (« La Maison en paille »), une pièce évoquant les conflits superposés du Mali d’aujourd’hui.
Jérôme Lamy
Jérôme Lamy, historien et sociologue des sciences, chercheur au CNRS (CERTOP-UMR 5044 – université Toulouse-Jean-Jaurès).
Il travaille sur l’histoire des pratiques spatiales, de la reconfiguration des recherches scientifiques aux effets socioculturels les plus divers. Il a notamment publié L’Observatoire de Toulouse aux xviiie et xixe siècles. Archéologie d’un espace savant (Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2007) et dirigé l’ouvrage La Carte du ciel. Histoire et actualité d’un projet scientifique international (Les Ulis, EDP Sciences, coll. « Références astronomiques », 2008).
Élise Parré
Élise Parré, plasticienne.
Son travail est constitué d’installations, de sculptures, de dessins-collages et d’écriture. Elle s’intéresse aux représentations collectives et à l’imaginaire associé aux lieux.
Elle a notamment participé au projet Delta Total au Palais de Tokyo en 2016, et à l’exposition Transferts au musée Malraux du Havre, en 2011.
Parallèlement, elle enseigne à l’École supérieure d’art et design Le Havre-Rouen où elle a cofondé le master de création littéraire en 2012, et poursuit des recherches à l’EHESS en histoire des sciences et des techniques sur les représentations de l’espace.
Le Groupe de Recherches Artistiques et Culturelles sur l’Espace
Le programme GRACE, créé en 2018 à l’initiative de l’Observatoire de l’Espace du CNES, se donne pour objectif de constituer des groupes de recherche pluridisciplinaires qui s’attachent à observer, sonder, et disséquer les infrastructures terrestres et les bases spatiales, points de départ de toute exploration de l’Espace.
Les membres de son premier groupe se sont intéressés au port spatial d’Hammaguir en Algérie, au Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) de Vernon, en Normandie, et au Service d’aéronomie du CNRS, en région parisienne.
Le GRACE a pu mener à bien ce projet grâce au soutien de la Fondation Daniel et Nina Carasso, qui accompagne plus particulièrement la publication du présent ouvrage.
2 commentaires
nous avons eu beaucoup d’inventeurs, mais la France ne sait pas se vendre pour en tirer les bénéfices
Et souvent ils partent à l’étranger.