Jusqu’en mars 2020, au sein du marché de l’aviation, deux secteurs se complétaient et se concurrençaient afin de répondre à l’ensemble des déplacements du transport aérien dans le monde entier. Selon l’association Internationale du Transport Aérien (IATA) L’aviation commerciale et privée représentaient en 2019, 4,5 milliards de passagers (Association Internationale du Transport Aérien). Soit une hausse de 4,2 % par rapport à 2018.
Parmi ces chiffres, 85 % du trafic global est assuré par des grandes compagnies commerciales telles qu’Air France ou bien Lufthansa. Alors que l’aviation d’affaires, bénéficiait de 8 % du trafic aérien en proposant une offre « sur-mesure » et une expérience de vol unique.
Depuis la crise du COVID 19, ces chiffres ont chuté avec la décroissance notable des vols commerciaux suite aux fermetures des frontières et la limitation des déplacements.
D’après un article du journal Le Monde : « En 2020, la chute du nombre de passagers a atteint 50 % sur les vols intérieurs, mais 74 % sur les vols internationaux. Les compagnies ont subi des pertes cumulées de 370 milliards de dollars américains ».
Suite à cette perte de revenus, le trafic aérien tel que nous le connaissions en 2019, reprendrait en 2024 selon l’IATA. Pour pallier le manque de service de l’aviation commerciale, de nouveaux clients plus sensibles à leur sécurité sanitaire se tournent vers la location de jets privés.
Nos experts aériens vont vous expliquer les tendances majeures qui se démarquent depuis le début de cette crise.
Ainsi, vous comprendrez :
- Quel a été l’impact de la pandémie sur l’aviation?
- Quels sont les nouveaux besoins des passagers ?
- L’aviation privée peut-elle se démocratiser pour y répondre ?
- Est-ce que le transport aérien pourra évoluer en répondant à la question écologique au centre de toutes les innovations ?
1) Transports aériens : les nouveaux besoins et enjeux pour les passagers
Au sein de l’aviation, nous pouvons distinguer deux grandes catégories. D’une part l’aviation commerciale et ses avions de ligne. Cette industrie est en évolution constante depuis 2004. Et ce, jusqu’en 2019, en enregistrant 38,9 millions de vols dans le monde selon Statista.
Et d’une autre part, l’aviation privée ou d’affaires et ses jets privés. Souvent rattachée à un idéal luxueux, l’industrie des jets privés s’est démarquée au sein de cette crise mondiale due à la pandémie de COVID 19. Notamment en réalisant de nombreux vols médicaux et d’affaires.
En effet, les jets privés disposent de nombreux avantages qui ont pu répondre aux nouveaux besoins des passagers. Les voyages se déroulant désormais sous la pression de normes sanitaires, la massification et les bains de foule ne sont plus les bienvenus. Comme nous l’explique Isabelle Clerc, directrice commerciale d’AEROAFFAIRES, société de location de jets privés : « la sécurité sanitaire de nos clients, a toujours était notre priorité. Aujourd’hui, elle l’est encore plus ».
Il est vrai que les compagnies commerciales ont été obligées de réduire de 70 % leurs offres de vols. Et ce, en raison des fermetures successives de frontières. Mais qu’en était-il pour les voyageurs d’affaires et pour les malades contraints à rentrer chez eux ?
Les jets privés sont alors apparus comme une solution idéale. Ces derniers ont la possibilité de pouvoir se poser dans 10 fois plus d’aéroports que des avions de ligne en Europe. Soit près de 3 000 aérodromes sur le vieux continent. C’est alors un atout de taille, d’un côté pour les voyageurs d’affaires pour qui chaque heure est précieuse. D’un autre côté, pour les malades qui ont pu être rapatriés au plus proche de leur lieu d’hospitalisation.
En plus de leur de nombre et de leur proximité, les aéroports dédiés aux petits appareils disposent également d’autres atouts. Généralement, il s’agit de petites structures. Par définition, ces aéroports peuvent accueillir que des petits nombres de personnes. Il s’agit donc d’un lieu idéal afin d’éviter des contaminations.
Contrairement aux aéroports commerciaux, où de nombreuses personnes de diverses nationalités y transitent. Dans un petit aéroport, nous comptons environ 30 fois moins de points contacts que dans un grand aéroport international. Autrement dit, les chances d’être contaminés dans ces lieux sont 30 fois moins importantes que dans un aéroport classique. Ce résultat est possible, car dans ce type d’aéroport le temps entre l’arrivée, les contrôles et le décollage est d’en moyenne 15 minutes.
Ces avantages ont permis une hausse considérable de l’utilisation des jets privés durant l’été 2020. Par exemple en Europe, pendant l’été 2020, le top 3 des destinations étaient Ibiza, Mykonos ou Saint-Tropez afin d’oublier les mauvais souvenirs de la pandémie. Toutes ces destinations ont pour point commun, un accès facile en jet privé.
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En effet, en juillet 2020, les avions privés représentaient, 1 vol sur 5 dans le monde. Soit 20 % du total des vols. A titre de comparaison, à la même période en 2019, l’European Business Aviation Association (EBAA) comptabilisait 7 % du total des vols. Cette augmentation est due au fait que les avantages offerts par un jet privé sont les nouveaux besoins demandés par les voyageurs. Lors de la crise, la sécurité sanitaire est au centre de toutes les demandes.
Enfin, au plus fort de la crise, selon Wingx, en mars 2020, les deux secteurs ont vu leurs chiffres se bousculer. L’aviation commerciale comptabilisait environ 14 000 vols le 15 mars 2020, quant à elle l’aviation privée en comptait environ 5 000.
En revanche, en juin 2020, les compagnies commerciales faisaient voler 20 000 appareils. Là où l’aviation d’affaires en faisaient voler 12 000. Les quotas des vols ont plus que doublé en trois mois pour l’aviation d’affaires. Alors que les vols commerciaux peinaient à relancer leur cadence.
Malgré une nette augmentation de l’utilisation des jets d’affaires, voyager dans ces appareils représente un coût. Mais est-il possible de rendre le luxe que représente le jet privé abordable ? Est-ce que l’ubérisation des jets privés est un projet réellement viable de nos jours ?
2) Le jet privé, un luxe en voie de démocratisation
La crise de 2020, changera sans aucun doutes les habitudes des voyageurs, qui ont désormais comme priorité leur sécurité sanitaire. Selon l’IATA, comme vu précédemment, les compagnies commerciales retrouveront leur pérennité économique d’ici 2024. Néanmoins, cette estimation est faite sans prendre en compte l’évolution du marché de l’aviation privée. Qui plus est, aux suites du COVID, les compagnies commerciales seront en mesure de traiter uniquement 25 % de leur trafic habituel.
Mais alors, qu’en sera-t-il des voyageurs lorsque le monde rouvrira ses portes ? Préféreront ils s’orienter vers un marché peinant à se remettre de la crise sanitaire ? Ou alors opteront ils pour de nouvelles offres qui répondront au mieux à leurs demandes de sécurité sanitaire ? Le jet privé est-il le tant attendu taxi aérien de demain ?
Plus de jets privés disponibles en Europe et des prix qui baissent
En Europe, le jet privé commence petit à petit à se désacraliser ainsi, il devient plus fréquent. En 2018, Les Échos remarquaient une hausse de 6 % par an des heures de vols en jets privés en Europe. De plus, s’ajoute à cette augmentation, une réduction du prix moyen de la location d’un jet privé à l’heure. En 2013, le prix moyen d’une heure de location d’un Citation XLS, jet privé de 10 places, était de 3 400 € selon Wingx. Aujourd’hui, pour le même appareil, il faut compter 3 000 € de l’heure en moyenne.
Cette baisse des prix se justifie par un accroissement de la taille des flottes disponibles sur le marché. Si cette baisse des prix continue à se conjuguer à la hausse de l’utilisation des jets privés, la démocratisation de ces appareils semble décoller.
Crédits photo : Dassault Aviation
Cette évolution du marché européen de l’aviation d’affaires semble suivre l’évolution du marché américain. Aux États-Unis, il est désormais normal de voyager en jet privé, 64 % des jets privés mondiaux y sont même présents.
Malgré une baisse des prix, ces derniers restent chers. Mais si une nouvelle clientèle de classe moyenne cherche à voyager en jet privé, elle a sans doute moins d’exigences. Cette nouvelle opportunité pour les jets privés est également une porte à de nouveaux business model.
Le développement des vols à vide pour une démocratisation de l’aviation privée
Avec une hausse de la demande des jets privés, de nouveaux business model se sont construits. Tous ont un objectif : démocratiser le luxe d’un voyage en jet privé. Dans l’histoire des industries, nombreuses sont celles qui ont réussi à démocratiser un luxe, en commençant par Apple.
Parmi les business modèles novateurs, nous retrouvons celui concernant à optimiser les vols à vide.
Un vol à vide qu’est-ce que c’est ? Actuellement, dans l’aviation d’affaires, lorsque l’on souhaite faire affréter un jet privé, il doit parfois voler sans passagers jusqu’à l’aéroport.
Ce système représente en moyenne 40 % des vols de jets privés. Au tout début des jets privés, le faible nombre des vols à vide ne répondaient pas à suffisamment de demandes pour les commercialiser. De plus, ces vols sont destinés à une clientèle moins exigeante en termes d’horaires et de destinations. Les vols à vide étant programmé à l’avance.
Aujourd’hui, avec le développement de l’utilisation du jet privé, de plus en plus de vols à vide sont disponible. Ainsi, il en résulte une potentielle offre grandissante pour le grand public. Généralement, lorsqu’un vol à vide permet de faire voyager, les tarifs sont bien plus abordables. La raison est simple, que le vol soit comblé ou non, il se fera quand même.
Ce système permet de rentrer en sérieuse compétition avec les tarifs de l’aviation commerciale, le tout en proposant un luxe et une efficacité supérieure.
3) – Une aviation privée plus responsable
L’aviation est un moyen de transport bien souvent critiqué pour son impact sur l’environnement. Il est vrai qu’actuellement, un avion sans aucune initiative secondaire pollue. Ceci est indéniable. En revanche, de la même manière que pour l’automobile, des initiatives et des nouveaux projets voient le jour.
Des initiatives de la part des acteurs de l’aviation d’affaires
Malgré le fait que les avions actuels polluent, il est possible de mettre en place en parallèle des actions. Ces initiatives n’ont pas pour objectif de révolutionner l’industrie aéronautique. En effet, lorsqu’elles sont mises en place, c’est rarement à l’échelle des constructeurs. Il s’agit le plus souvent de programmes mis en place par des compagnies ou bien des courtiers. Ces actions ont pour but de compenser l’empreinte carbone des vols en avion.
Parmi les entreprises qui ont mis en place ces programmes, l’une d’elles, AEROAFFAIRES a mis en place un programme appelé SkyCo2Ó. Pour François Xavier Clerc, CEO d’AEROAFFAIRES, voici comment est né cette initiative. « L’écologie n’est ni une contrainte ni un argument commercial, c’est une responsabilité, un engagement de tous les jours pour AEROAFFAIRES ».
Ces démarches sont rares, mais permettent un espoir de pérennité écologique pour l’aviation. Mais qu’en est-il des projets concernant l’aviation privée responsable ?
Des projets en cours plus responsables et prometteurs
Les projets en cours concernent principalement des appareils fonctionnant sur batteries. Ce fonctionnement pose un problème, les batteries augmentent considérablement le poids de l’appareil. C’est pour cette raison qu’actuellement, il est plus simple de faire voler des petits appareils sur batteries. Étant plus petits, ces appareils fonctionnent avec des batteries plus légères. Ainsi, l’aviation privée à plus de chances d’aboutir avant l’aviation commerciale qui souhaite faire voyager de nombreux passagers au sein d’un appareil plus grand.
De nombreux constructeurs travaillent sur des projets d’avions responsables, ces travaux sont ambitieux mais optimiste ! Parmi eux, nous pouvons citer l’E-Fan d’Airbus, il s’agit d’un avion monoplace 100 % électrique. Ce dernier à un rayon d’action de 550 Km. Son premier vol a eu lieu en 2014, sa technologie est prometteuse. En revanche, le constructeur a cessé de participer au projet afin de se concentrer sur un avion hybride de 100 places. Ce projet est en étroite collaboration avec Siemens et Rolls-Royce.
En parallèle, une start-up israélienne nommée EViation travaille sur un projet de jet privé 100 % électrique appelé Alice. Cet appareil de 10 places, conçu pour les vols régionaux, a une portée de 1000 km. Si ce projet voit le jour, il s’agira d’une révolution au sein de l’industrie de l’aviation privée. En effet, en plus d’une empreinte carbone de 0 %, le tarif actuellement évoqué est de 200 € par heure de vol. Ces tarifs compétitifs feraient même de la concurrence à un trajet en voiture. De plus, des rumeurs au sujet d’une collaboration avec Uber n’ont pas été démenties par la start-up.
Ces projets ne sont pas en vain, 2 milliards de billets d’avions sont vendus par an concernant des vols de moins de 800 Km. De plus, 1/3 des émissions de CO2 de l’aviation sont liées à des vols régionaux. Généralement, ces vols sont réalisés par des appareils de ligne dédiés normalement à des vols plus longs, ils consomment donc plus qu’un avion privé.
Quant à eux, ces nouveaux appareils privés sont conçus pour des vols régionaux et responsables. Enfin, ils offrent une accessibilité à de nombreux aéroports en ayant un tarif extrêmement compétitif. Pour l’instant, si leurs phases de tests sont validées, qu’est-ce qu’il pourrait les arrêter ? Ces appareils semblent être porteurs de nombreux espoirs pour l’aviation d’affaires.
Conclusion
Pour conclure, le COVID 19 n’a pas ralenti le marché de l’aviation de d’affaires. Au contraire, selon l’Echo, l’aviation privée enregistre en 2020 une hausse de 15 à 20 % par rapport à 2019. Alors que les compagnies commerciales enregistrent une baisse de 50 % de leurs passagers lors du dernier semestre de 2020. Désormais, la mission pour les acteurs de l’aviation d’affaires est de fidéliser leur nouvelle clientèle.
Cette croissance de l’aviation d’affaires, permettra à l’industrie des jets privés de réinvestir, là où l’aviation commerciale doit se reconstruire. Qui plus est, si les tendances de l’évolution de l’aviation privée continuent à se confirmer, un écart va se creuser avec l’aviation commerciale. Enfin, si l’écologie peut amener une réponse à un coût plus faible pour le jet privé du futur, rien ne semble l’arrêter ?
Maxence BONDIN
2 commentaires
tout dépend de comment la situation va t’elle évoluer !
Et tout le monde ne peut s’offrir les tarifs du privé
L’avenir nous le dira.