Envisagée par le gouvernement Trudeau depuis le dépôt d'un rapport sur l'avenir des transports au Canada, la privatisation des huit principaux aéroports du réseau national est toutefois loin de faire l'unanimité. Certes attrayante sur le plan des finances publiques, l'idée s'attire d'importantes critiques allant des compagnies aériennes qui craignent l'augmentation des frais aux usagers aux dirigeants de certains aéroports qui n'y voient aucun avantage pour le pays. Pour faire la lumière sur la question, le Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers dévoile aujourd'hui une étude sur l'impact d'un tel virage au Canada. Les conclusions sont sans équivoque : la privatisation des aéroports canadiens n'aurait aucun avantage notable sur le plan de la productivité.
La privatisation des aéroports canadiens : un état de la situation
Une tendance de fond
Selon Jacques Roy, professeur titulaire à HEC Montréal et auteur de l'étude, la privatisation des aéroports est un phénomène de plus en plus populaire, ce qui nous permet de mieux en comprendre les enjeux et en évaluer les avantages et les inconvénients en matière d'efficience et de compétitivité. « En 2016, 41 % des aéroports européens étaient détenus, en partie ou en totalité, par des intérêts privés, alors que ce pourcentage ne s'élevait qu'à 22 % en 2010 », précise l'expert.
En analysant l'impact des différents modes de gouvernance des aéroports à travers le monde, le chercheur a constaté que la privatisation ne garantissait pas une gestion plus efficiente et efficace des aéroports. « En s'appuyant sur les données de l'Air Transport Research Society, qui compare la performance de 206 aéroports et de 24 groupes aéroportuaires, on remarque que les aéroports détenus par le secteur public présentent des indices de productivité comparables à ceux gérés – en partie ou en totalité – par des intérêts privés, avance Jacques Roy. Au regard de ces résultats, on peut difficilement affirmer que la gouvernance du secteur privé contribuerait à une meilleure productivité, d'autant plus que ce sont souvent les aéroports plus performants qui sont privatisés. »
Performance canadienne
Certains résultats semblent d'ailleurs démontrer que le Canada a fait les bons choix. « Du côté financier, ses principaux aéroports ont investi près de 20 milliards de dollars pour améliorer leurs infrastructures depuis les 20 dernières années, et ce, à des conditions de financement relativement avantageuses. Il n'est pas évident que des aéroports privés à buts lucratifs auraient pu faire mieux, on pourrait même avancer le contraire », soutient Jacques Roy.
« Les aéroports sont des infrastructures stratégiques pour un pays de la taille du Canada, et j'estime qu'il serait préférable que le gouvernement fédéral en demeure le propriétaire, conclut l'auteur. Ceci étant dit, un tel état des faits ne devrait pas justifier le statu quo. À court terme, il serait notamment judicieux de revoir les mécanismes de réglementation et de contrôle afin d'assurer la pérennité et la compétitivité des aéroports canadiens dans le respect des intérêts des usagers et des collectivités. L'Australie propose à mon avis un modèle intéressant, les principaux aéroports de ce pays sont assujettis à un organisme de surveillance des prix et des niveaux de service offerts ».
Consultez le rapport La privatisation des aéroports canadiens : un état de la situation.